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IAM – Demain c’est loin – 1997


    Paroles L’encre coule, le sang se répand, la feuille buvard
    Absorbe l’émotion, sac d’images dans ma mémoire
    Je parle de ce que mes proches vivent et de ce que je vois
    Des mecs coulés par le désespoir qui partent à la dérive
    Des mecs qui pour 20 000 de shit se déchirent
    Je parle du quotidien, écoute bien, mes phrases font pas rire
    Rire, sourire, certains l’ont perdu
    Je pense à Momo qui m’a dit « à plus » jamais je ne l’ai revu
    Tenter le diable pour sortir de la galère, t’as gagné frère
    Mais c’est toujours la misère pour ceux qui poussent derrière
    Pousse, pousser au milieu d’un champ de béton
    Grandir dans un parking et voir les grands faire rentrer les ronds
    La pauvreté, ça fait gamberger, en deux temps, trois mouvements
    On coupe, on compresse, on découpe, on emballe, on vend
    À tour de bras, on fait rentrer l’argent, on craque
    Ouais, c’est ça la vie, et parle pas de RMI ici ici
    Ici, le rêve des jeunes c’est la Golf GTI, survet’ Tacchini
    Tomber les femmes à l’aise comme Manny
    Sur Scarface, je suis comme tout le monde, je délire bien
    Dieu merci, j’ai grandi, je suis plus malin, lui il crève à la fin
    La fin, la faim, la faim justifie les moyens, quatre, cinq coups malsains
    Et on tient jusqu’à demain, après on verra bien
    On marche dans l’ombre du Malin du soir au matin
    Tapis dans un coin, couteau à la main, bandit de grand chemin
    Chemin, chemin, y en a pas deux pour être un dieu
    Frapper comme une enclume, pas tomber les yeux, l’envieux toujours en veut
    Une route pour y entrer, deux pour s’en sortir, 3/4 cuir
    Réussir, s’évanouir, devenir un souvenir
    Souvenir, être si jeune, en avoir plein le répertoire
    Des gars rayés de la carte qu’on efface comme un tableau, tchpaou! C’est le noir
    Croire en qui, en quoi? Les mecs sont tous des miroirs
    Vont dans le même sens, veulent s’en mettre plein les tiroirs
    Tiroir, on y passe notre vie, on y finit
    Avant de connaître l’enfer sur terre, on construit son paradis
    Fiction, désillusion trop forte, sors le chichon
    La réalité tape trop dur, besoin d’évasion
    Évasion, évasion, effort d’imagination, ici tout est gris
    Les murs, les esprits, les rats la nuit
    On veut s’échapper de la prison, une aiguille passe, on passe à l’action
    Fausse diversion, un jour tu pètes les plombs
    Les plombs, certains chanceux en ont dans la cervelle
    D’autres se les envoient pour une poignée de biftons guerre fraternelle
    Les armes poussent comme la mauvaise herbe
    L’image du gangster se propage comme la gangrène sème ses graines
    Graines, graines, graine de délinquant qu’espériez-vous? Tout jeunes
    On leur apprend que rien ne fait un homme à part les francs
    Du franc-tireur discret au groupe organisé, la racine devient champ
    Trop grand, impossible a arrêter
    Arrêté, poisseux au départ, chanceux à la sortie
    On prend trois mois, le bruit court, la réputation grandit
    Les barreaux font plus peur, c’est la routine, vulgaire épine
    Fine esquisse à l’encre de Chine, figurine qui parfois s’anime
    S’anime, animé d’une furieuse envie de monnaie
    Le noir tombé, qu’importe le temps qu’il fait, on jette les dés, faut flamber
    Perdre et gagner, rentrer avec quelques papiers en plus
    Ça aidera, personne demandera d’où ils sont tombés
    Tomber ou pas, pour tout, pour rien, on prend le risque, pas grave cousin
    De toute façon dans les deux cas, on s’en sort bien
    Vivre comme un chien ou un prince, y a pas photo
    On fait un choix, fait griller le gigot, briller les joyaux
    Joyaux, un rêve, plein les poches mais la cible est trop loin, la flèche
    Ricoche, le diable rajoute une encoche, trop moche, les mecs cochent
    Leur propre case, décoche pour du cash
    J’entends les cloches, à coups de pioche
    Creuser un trou, c’est trop fastoche
    Fastoche, facile le blouson du bourgeois docile
    Des mémés la hantise et porcelaine dans le pare-brise
    Tchac! Le rasoir sur le sac à main, par ici les talbins
    Ça c’est toute la journée, lendemain après lendemain
    Lendemain? C’est pas le problème, on vit au jour le jour
    On n’a pas le temps ou on perd de l’argent, les autres le prennent
    Demain, c’est loin, on n’est pas pressé, au fur et à mesure
    On avance en surveillant nos fesses pour parler au futur
    Futur, le futur ne changera pas grand-chose, les générations prochaines
    Seront pires que nous, leur vie sera plus morose
    Notre avenir, c’est la minute d’après, le but, anticiper
    Prévenir avant de se faire clouer
    Clouer, cloués sur un banc, rien d’autre à faire, on boit de la bière
    On siffle les gazières qui n’ont pas de frère
    Les murs nous tiennent comme du papier tue-mouches
    On est là, jamais on s’en sortira, Satan nous tient avec sa fourche
    Fourche, enfourcher les risques, seconde après seconde
    Chaque occasion est une pierre de plus ajoutée à nos frondes
    Contre leurs lasers, certains désespèrent, beaucoup touchent terre
    Les obstinés refusent le combat suicidaire
    Sidère, sidérés, les dieux regardent l’humain se diriger
    Vers le mauvais côté de l’éternité d’un pas ferme et décidé
    Préférant rôder en bas en haut, on va s’emmerder
    Y a qu’ici que les anges vendent à fumer
    Fumée, encore une bouffée, le voile est tombé
    La tête sur l’oreiller, la merde un instant estompée
    Par la fenêtre, un cri fait son entrée, un homme se fait braquer
    Un enfant se fait serrer, pour une Cartier, menotté
    Menotté, pieds et poings liés par la fatalité
    Prisonnier du donjon, le destin est le geôlier
    Le turf, l’arène, on a grandi avec les jeux
    Gladiateur courageux, mais la vie est coriace, on lutte comme on peutDans les constructions élevées
    Incompréhension, bandes de gosses soi-disant mal élevés
    Frictions, excitation, patrouilles de civils
    Trouille inutile, légendes et mythes débiles
    Haschich au kilo, poètes armés de stylos
    Réserves de créativité, hangars, silos
    Ça file au bloc 20, pack de Heineken dans les mains
    Oublier en tirant sur un gros joint
    Princesses d’Afrique, fille mère, plastique
    Plein de colle, raclo à la masse lunatique
    Economie parallèle, équipe dure comme un roc
    Petits Don qui contrôlent grave leurs spots
    On pète la Veuve Cliquot, parqués comme à Mexico
    Horizons cimentés, pickpockets, toxicos
    Personnes honnêtes ignorées, superflics, Zorros
    Politiciens et journalistes en visite au zoo
    Musulmans respectueux, pères de famille humbles
    Baffles qui blastent ma musique de la jungle
    Entrées dévastées, carcasses de tires éclatées
    Nuée de gosses qui viennent gratter
    Lumières oranges qui s’allument, cheminées qui fument
    Parties de foot improvisées sur le bitume
    Golf VR6, pneus qui crissent
    Silence brisé par les sirènes de la police
    Polos Façonnable, survêtements minables
    Mères aux traits de caractère admirables
    Chichon bidon, histoires de prison
    Stupides divisions, amas de tisons
    Ou clichés d’Orient, cuisine au piment
    Jolis noms d’arbres pour des bâtiments dans la forêt de ciment
    Désert du midi, soleil écrasant
    Vie la nuit, pendant le mois de Ramadan
    Pas de distractions, se créer un peu d’action
    Jeu de dés, de contrée, paris d’argent, méchante attraction
    Rires ininterrompus, arrestations impromptues
    Maires d’arrondissement corrompus
    Marcher sur les seringues usagées, rêver de voyager
    Autoradios en affaire, lot de chaînes arrachées
    Bougre sans retour, psychopathe sans pitié
    Meilleurs liens d’amitié qu’un type puisse trouver
    Génies du sport faisant leurs classes sur les terrains vagues
    Nouvelles blagues, terribles techniques de drague
    Individualités qui craquent parce que stressées
    Personne ne bouge, personne ne sera blessé
    Vapeur d’éther, d’eau écarlate, d’alcool
    Fourgon de la Brink’s maté comme le pactole
    C’est pas drôle, le chien mord enfermé dans la cage
    Bave de rage, les barreaux grimpent au deuxième étage
    Dealer du hashich, c’est sage si tu veux sortir la femme
    Si tu plonges, la ferme, y a pas de drame
    Mais l’école est pas loin, les ennuis non plus
    Ça commence par des tapes au cul, ça finit par des gardes à vue
    Regarde la rue, ce qui change? Y a que les saisons
    Tu baves du béton, craches du béton, chies du béton
    Te bats pour du laiton, mais est-ce que ça rapporte?
    Regrette pas les biftons quand la BAC frappe à la porte
    Trois couleurs sur les affiches nous traitent comme des bordilles
    C’est pas Manille, ok, mais les cigarettes se torpillent
    Coupable innocent, ça parle cash, de pour cent
    Oeil pour oeil, bouche pour dent, c’est stressant
    Très tôt, c’est déjà la famille dehors, la bande à Kader
    « Va niquer ta mère! » la merde au cul, ils parlent déjà de travers
    Pas facile de parler d’amour, travail à l’usine
    Les belles gazelles se brisent l’échine dans les cuisines
    Les élus ressassent rénovation, ça rassure
    Mais c’est toujours la même merde derrière la dernière couche de peinture
    Feu les rêves gisent enterrés dans la cour
    À douze ans, conduire, mourir, finir comme 2Pac Shakur
    Mater les photos, majeur aujourd’hui, poto
    Pas mal d’amis se sont déjà tués en moto
    Une fois tu gagnes, mille fois tu perds, le futur c’est un loto
    Pour ce, je dédie mes textes en qualité d’ex-voto, mec
    Ici t’es jugé à la réputation forte
    Manque-toi et tous les jours les bougres pissent sur ta porte
    C’est le tarif minimum et gaffe
    Ceux qui pèsent transforment le secteur en oppidum
    Gelé, l’ambiance s’électrise, y a plein de places assises
    Béton figé fait office de froide banquise
    Les gosses veulent sortir, les « non » tombent comme des massues
    Les artistes de mon cul pompent les subventions DSU
    Tant d’énergie perdue pour des préjugés indus
    Les décideurs financiers, pleins de merde dans la vue
    En attendant, les espoirs foirent, capotent, certains rappent
    Les pierres partent, les caisses volées dérapent
    C’est le bordel au lycée, dans les couloirs on ouvre les extincteurs
    Le quartier devient le terrain de chasse des inspecteurs
    Le dos a un œil car les eaux sont truffées d’éceuils
    Recueille le blé, on joue aux dés dans un sombre cercueil
    C’est trop, les potos chient sur le profil Roméo
    Un tchoc de popo, faire les fils et un bon rodéo
    La vie est dure, si on veut du rêve
    Ils mettent du pneu dans le shit et te vendent ça khams’alef
    Tu me diras « ça va, c’est pas trop »
    Mais pour du tcherno, un Hamidou quand on a rien, c’est chaud
    Je sais de quoi je parle, moi, le bâtard
    J’ai dû fêter mes vingt ans avec trois bouteilles de Valstar
    Le spot bout ce soir, qui est le King?
    D’entrée, les murs sont réservés comme des places de parking
    Mais qui peut comprendre la mène pleine
    Qu’un type à bout frappe sec, poussé par la haine
    Et qu’on ne naît pas programmé pour faire un foin?
    Je pense pas à demain, parce que demain c’est loin